Haïti est le pays des montagnes. La porte d’entrée du Nouveau Monde. Une presqu’île, avec tout ce que cela implique d’enfermement, de prison et d’ouverture à soi. Un pays de contraste qui, malgré un taux assez faible d’alphabétisme (52,9% en 2012 selon CIA World Factbook), pullule d’écrivains, de poètes et d’évènements autour du livre. Comme si le livre était quelque chose de sacré. Les écritures, saintes. Les évènements autour du livre sont donc légion : foires régionales (Verrettes à la découverte du livre, Savanette en lecture, Festival du livre et des arts du Nord-Ouest) internationales (Foire internationale du livre d’Haïti), caravanes du livre (Livres en liberté, Étonnants voyageurs-Haïti), espaces de discussion et de rencontre avec les auteurs (Les Vendredis littéraires, Le Club Signet de la Bibliothèque ARAKA, Les mardis de la philosophie de Café Philo-Haïti)… Mais, la plus ancienne (à côté des Vendredis littéraires de L’université Caraïbe), celle qui a le plus d’incidence sur la production littéraire, est sans conteste Livres en folie. Comme son nom l’indique, il s’agit de la folie du livre. Mais, c’est une folie douce, dans laquelle des auteurs rencontrent aisément leurs lecteurs dans un espace complètement dédié au livre.
Naissance et histoire de la folie
1995-2014. Voilà que Livres en folie est devenu un évènement littéraire qui s’impose en Haïti. 20 éditions. Passant d’une centaine à des milliers de titres disponibles. Quand Max Chauvet, directeur du quotidien Le Nouvelliste et inventeur de la foire, lance la première édition le 15 juin 1995 au Complexe-Promenade, à Pétion-Ville (à 10 km de Port-au-Prince), en complicité avec la Unibank, il n’y avait que 125 titres disponibles et quatre auteurs en signature : Jean Desquiron, Georges Apollon, Raphaël Paquin et la rédaction du quotidien Le Nouvelliste. Il ne savait peut-être pas que cette activité allait devenir une référence en matière d’évènement sur le livre dans la Caraïbe. Selon le directeur du plus vieux quotidien francophone de l’Amérique, M. Chauvet, Livres en folie a été conçu en vue d’aider des auteurs à écouler leur stock de livres et à imprimer davantage pour booster le marché du livre haïtien. Également imprimeur, fondateur de l’Imprimeur S.A, Max Chauvet avait fait un constat en fréquentant les auteurs qui imprimaient chez lui et se plaignant des invendus. Et cela allait le pousser à créer un évènement le jour de la fête Dieu, date qui selon lui, correspondait à une période de latence pour le marché du livre en Haïti. Il fallait intervenir. Inverser la situation. La première édition réussie, Livres en folie allait s’étendre sur le temps mais aussi sur l’espace. Quatre ans après la première édition, soit exactement le jeudi 3 juin 1999, le nombre d’auteurs en signature n’a pas évolué. Toujours dans les espaces clos du Complexe-Promenade, quatre auteurs ont été en signature. Cette fois-ci, des auteurs prometteurs ou déjà confirmés. Si le nombre n’avait pas évolué, c’était déjà parti pour une nouvelle aventure. Avec un public de littéraires. Les quatre auteurs qui ont signé à la 5e édition sont : Georges Anglade (invité d’honneur de la 12e édition), Gary Victor (invité d’honneur de la 13e édition), Kettly Mars (invitée d’honneur de la 20e édition) et Margaret Papillon, auteure à succès dans les milieux scolaires.
Moins de neuf ans plus tard, le Complexe-Promenade était trop petit pour accueillir la foulée de gens qui venaient à Livres en folie. Il a fallu descendre à Bourdon, au Cercle Bellevue, à moins de 7 km du Centre-ville. Le 10 juin 2004, le Cercle Bellevue a accueilli un nombre considérable d’auteurs en signature et de titres disponibles, par rapport aux premières éditions. 46 auteurs en signature pour plus de 800 titres. Et c’est également au cours de cette année que les organisateurs ont inventé le « principe d’invité d’honneur »1 . Le premier invité d’honneur a été le fameux écrivain et peintre haïtien Frankétienne qui avait reçu cette même année la « Medalla de Honor Presidencial Centenario Pablo Neruda ». En 2005, les organisateurs ont choisi d’honorer l’intellectuel et professeur d’universités Leslie-François Manigat. En 2006, le géographe Georges Anglade qui venait de publier Et si les haïtiens déclaraient la guerre aux USA ? En 2007, le prolifique romancier Gary Victor s’est vu attribué le titre d’invité d’honneur de la 13e édition de Livres en folie. Trois ans après qu’il eut publié son roman à succès Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin (prix du livre RFO 2004). En 2008 l’intellectuel et homme politique Marc Louis Bazin est élevé au rang des invités d’honneur. Pour la 15e édition, les organisateurs ont fait le choix de la romancière de talent Yanick Lahens, qui venait de publier son roman La couleur de l’aube, prix du livre RFO en 2009. En 2010, c’est au tour de Dany Laferrière de prolonger la liste des invités d’honneur. Son roman, L’Énigme du retour venait tout juste d’être repris par les Éditions des Presses nationales d’Haïti ; roman pour lequel il devient le premier haïtien et le seul jusqu’à date à recevoir le prix Médicis (2009). En 2011, la romancière haïtienne d’expression anglaise, Edwidge Danticat est sacrée invitée d’honneur ; écrivaine qui a reçu la même année « the Langston Hughes Medal » et dont le roman La récolte douce des larmes, publié sous le titre original « The farming of bones », a fait l’objet d’une réédition en 2011 chez les Éditions des Presses nationales d’Haïti. S’en sont suivis les poètes et écrivains Georges Castera (2012) et Lyonel Trouillot (2013). Et pour la vingtième édition, la romancière Kettly Mars est reçue invitée d’honneur, devenant la troisième femme à se voir décernée cette distinction.
Pendant ce temps, Livres en folie continuait de changer d’espace. Quatre ans après s’être installé à Bourdon, le Cercle Bellevue, ne convenait plus à cette foire qui a conquis complètement le cœur des auteurs haïtiens mais aussi des lecteurs et des institutions privées et publiques. Le Parc historique de la canne à sucre, situé à Tabarre, à plus de 10 km du centre-ville, reçoit la foire depuis 2009. Grand espace de près de 10,000 m2. Le Parc historique de la canne à sucre est l’un des rares lieux du pays, à côté du stade Sylvio Cator, à pouvoir tenir autant de monde que mobilisait la foire du livre, qui jusqu’en 2009, n’invitait pas encore des écrivains étrangers.
Depuis 2010, Livres en folie ouvre ses portes auteurs étrangers.
Des quatre coins du monde. Et des journalistes de médias internationaux parmi lesquels, Le journal Le Monde (Arnaud Robert), RFI (Yvan Amar), Le Point (Valerie Marin La Meslée). Livres en folie est devenu cet évènement qui n’a cessé de prendre de l’espace. L’affluence des gens au Parc aux dernières éditions a poussé les organisateurs de la foire du livre à inventer un ticket modérateur, une sorte de prix d’entrée. Livres en folie, évènement jusqu’en 2012 gratuit, est devenu à la 19e édition payant. Cependant, selon les organisateurs, il ne s’agit pas de cela. C’est un ticket qui diminuera l’affluence des gens, qui n’achètent pas tous. Il fallait arbitrer. Choisir. Trier. Et le ticket modérateur fixé à 150 Gourdes (3 € en 2013), qui sera remis en rabais au participant, n’a pas eu l’effet escompté par les organisateurs. La 19e édition avait traîné une grande foule. Mais aussi avait fait grande recette. Selon M. Frantz Duval, rédacteur en chef du journal Le Nouvelliste, près de 10, 000 tickets ont été vendus, le jour de la fête Dieu, le jeudi 30 mai 2013. Pour la 20e édition, les organisateurs ont encore innové. Le prix du ticket modérateur a été doublé et Livres en folie, pour la première fois s’est déroulée sur deux jours. 300 gourdes (5,13 € en 2014) le premier jour et 200 gourdes (3,42 € en 2014) le second jour.
De la Quinzaine à la Vingtaine du livre
Si Livres en folie se déroule sur un ou deux jours, il y a toute une série d’activités réalisées sous la houlette des organisateurs de la foire qui annoncent l’évènement. Ces activités sont connues sous le nom de la Quinzaine du livre. Quinze jours de conférences, de rencontres et d’ateliers dans les universités, les bibliothèques et dans des lieux improbables organisés par des institutions indépendantes. Cette année, pour sa 4e édition, la Quinzaine a été une Vingtaine. Une façon, selon les organisateurs, de fêter la 20e édition de Livres en folie. Les partenaires de la Vingtaine du livre, qui ont réalisé pendant vingt jours des activités autour du livre sont nombreux. Officiellement, la liste publiée par le quotidien Le Nouvelliste fait mention de la Bibliothèque nationale d’Haïti, du Bureau Haïtien du droit d’auteur, de la Direction nationale du livre, de l’Université Caraïbe, des éditions de l’Université d’État d’Haït, de LEGS ÉDITION et de C3 Éditions. La couverture de la Vingtaine du livre a été assurée par Yvan Amar, pour Radio France Internationale (RFI).
Pour clore la Vingtaine du livre, des spectacles et réceptions ont été offerts à l’Hôtel Royal Oasis, à Pétion-Ville : Frankétienne, Mark Mulholland, James Germain et Cie ont été les principaux artistes qui se sont performés, les mardi 10 et vendredi 13 juin 2014. La compagnie Barbancourt, qui depuis trois ans octroie des bourses d’aide à la création littéraire et scientifique a récompensé le mardi 17 juin 2014 Georges Eddy Lucien, historien et détenteur d’un post doctorat de l’Université du Québec, pour un projet de livre ayant pour titre Métropolisation, modernisation et projets urbains à Miami : entre action d’embellissement de la ville et processus d’expropriation en douceur de la population haïtienne du Centre ville de Miami. Dans la catégorie fiction, le jury a récompensé Evelyne Trouillot, romancière et Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde en 2010, qui travaillera sur un projet de roman avec pour titre provisoire Le rond-point. À rappeler que les lauréats des trois premières éditions de la Bourse Barbancourt sont Kettly Mars et Louis-Philippe Dalembert (2011), respectivement pour Aux frontière de la soif et Les Bas-fonds de la mémoire ; Joseph Bernard Junior et Carmelle Saint Gérard Lopez (2012) respectivement pour Haïti et l’influence des États-Unis d’Amérique de l’indépendance à la reconnaissance (1804-1862) (Essai) et Capharnaum suivi de sans fard ni rituel (Poésie) ; Wien Weibert Arthus et Jean-Euphèle Milcé (2013), respectivement pour François Duvalier à l’ombre de la Guerre froide (Essai) et Mes chères petites ombres (fiction). Le montant de la bourse Barbancourt est de 5,000 $ US par catégorie.
Les organisateurs de Livres en folie ont eux aussi mis sur pied un prix qui récompense pour sa part les jeunes auteurs. Ceux qui font leur premier pas dans l’écriture. Le Prix Livres en folie de la première œuvre prime depuis 2012 des écrivains qui viennent de publier leur premier livre. Ainsi, l’édition de 2012 a récompensé Jean-Claude Molière Amisial et Firmin Saint-Amour pour leurs œuvres respectives : Essor et déclin de la production bananière en Haïti, les premières tentatives d’organisation du marché de la banane (1830-1935) (Essai) et La grande zizanie (Fiction). En 2013, le prix a été octroyé aux auteurs Jean Poincy et Jean Eddy Guilloteau pour leur livre respectif Refondre la chaine de l’industrie du textile en Haïti (Essai) et Air de poussière (Poésie). Cette année, le jury a primé ex-aequo Joëlle Benoit pour son livre Escapades (Poésie) et à Jacques Adler Jean Pierre pour son deuxième livre Zetwal anba wòb[[2]]url:#_ftn2 (Poésie créole). Dans la catégorie Essai le jury a récompensé le professeur Claudin Saint-Jour pour son livre Enseignement de la lecture et Formation des enseignants en Haïti. La dotation du Prix Livres en folie de la première œuvre est de 2,500 $ US par catégorie.
Si Livres en folie se déroule sur un ou deux jours, il y a toute une série d’activités réalisées sous la houlette des organisateurs de la foire qui annoncent l’évènement. Ces activités sont connues sous le nom de la Quinzaine du livre. Quinze jours de conférences, de rencontres et d’ateliers dans les universités, les bibliothèques et dans des lieux improbables organisés par des institutions indépendantes. Cette année, pour sa 4e édition, la Quinzaine a été une Vingtaine. Une façon, selon les organisateurs, de fêter la 20e édition de Livres en folie. Les partenaires de la Vingtaine du livre, qui ont réalisé pendant vingt jours des activités autour du livre sont nombreux. Officiellement, la liste publiée par le quotidien Le Nouvelliste fait mention de la Bibliothèque nationale d’Haïti, du Bureau Haïtien du droit d’auteur, de la Direction nationale du livre, de l’Université Caraïbe, des éditions de l’Université d’État d’Haït, de LEGS ÉDITION et de C3 Éditions. La couverture de la Vingtaine du livre a été assurée par Yvan Amar, pour Radio France Internationale (RFI).
Pour clore la Vingtaine du livre, des spectacles et réceptions ont été offerts à l’Hôtel Royal Oasis, à Pétion-Ville : Frankétienne, Mark Mulholland, James Germain et Cie ont été les principaux artistes qui se sont performés, les mardi 10 et vendredi 13 juin 2014. La compagnie Barbancourt, qui depuis trois ans octroie des bourses d’aide à la création littéraire et scientifique a récompensé le mardi 17 juin 2014 Georges Eddy Lucien, historien et détenteur d’un post doctorat de l’Université du Québec, pour un projet de livre ayant pour titre Métropolisation, modernisation et projets urbains à Miami : entre action d’embellissement de la ville et processus d’expropriation en douceur de la population haïtienne du Centre ville de Miami. Dans la catégorie fiction, le jury a récompensé Evelyne Trouillot, romancière et Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde en 2010, qui travaillera sur un projet de roman avec pour titre provisoire Le rond-point. À rappeler que les lauréats des trois premières éditions de la Bourse Barbancourt sont Kettly Mars et Louis-Philippe Dalembert (2011), respectivement pour Aux frontière de la soif et Les Bas-fonds de la mémoire ; Joseph Bernard Junior et Carmelle Saint Gérard Lopez (2012) respectivement pour Haïti et l’influence des États-Unis d’Amérique de l’indépendance à la reconnaissance (1804-1862) (Essai) et Capharnaum suivi de sans fard ni rituel (Poésie) ; Wien Weibert Arthus et Jean-Euphèle Milcé (2013), respectivement pour François Duvalier à l’ombre de la Guerre froide (Essai) et Mes chères petites ombres (fiction). Le montant de la bourse Barbancourt est de 5,000 $ US par catégorie.
Les organisateurs de Livres en folie ont eux aussi mis sur pied un prix qui récompense pour sa part les jeunes auteurs. Ceux qui font leur premier pas dans l’écriture. Le Prix Livres en folie de la première œuvre prime depuis 2012 des écrivains qui viennent de publier leur premier livre. Ainsi, l’édition de 2012 a récompensé Jean-Claude Molière Amisial et Firmin Saint-Amour pour leurs œuvres respectives : Essor et déclin de la production bananière en Haïti, les premières tentatives d’organisation du marché de la banane (1830-1935) (Essai) et La grande zizanie (Fiction). En 2013, le prix a été octroyé aux auteurs Jean Poincy et Jean Eddy Guilloteau pour leur livre respectif Refondre la chaine de l’industrie du textile en Haïti (Essai) et Air de poussière (Poésie). Cette année, le jury a primé ex-aequo Joëlle Benoit pour son livre Escapades (Poésie) et à Jacques Adler Jean Pierre pour son deuxième livre Zetwal anba wòb[[2]]url:#_ftn2 (Poésie créole). Dans la catégorie Essai le jury a récompensé le professeur Claudin Saint-Jour pour son livre Enseignement de la lecture et Formation des enseignants en Haïti. La dotation du Prix Livres en folie de la première œuvre est de 2,500 $ US par catégorie.
20e édition : risques ou périls ?
Un peu tôt dans la matinée du 19 juin 2014, la 20e édition de Livres en folie est lancée. Pour les organisateurs, il s’agit d’un risque. Voire d’un double risque. Le prix du ticket modérateur, pratiquement doublé, risquera-t-il de décourager les inconditionnels de la foire ? Pour Frantz Duval, un des principaux organisateurs de la foire, il s’agissait de réduire le nombre de gens qui viennent à Livres en folie, car le Parc est devenu trop restreint pour accueillir cette activité. « C’est la première fois qu’on décourage les gens qui viennent acheter des livres ». Pour Anaïse Chavenet, distributrice et directrice de Communication Plus, très impliquée dans la réalisation de la foire, il ne s’agit pas de décourager les acheteurs. « C’est un principe qui consiste à déceler les vrais acheteurs, car beaucoup de gens venaient sur le Parc pour s’amuser, non pas pour acheter ». Mais en réalité « le principe du ticket modérateur fonctionne comme si Livres en folie payait les gens pour venir acheter des livres ». En effet, cette année, le ticket a donné droit à des rabais spéciaux (jusqu’à 150 gourdes de réduction sur un livre à ajouter sur les 40% de remise), à une boisson gazeuse, à une carte de recharge téléphonique…
Entre 10 h et 17 h, le Parc historique de la canne à sucre a quand même accueilli du monde, venu de partout de la capitale. 161 auteurs en signature occupaient le Parc avec 1865 titres disponibles : essayistes, romanciers, poètes ; jeunes écrivains et écrivains confirmés. Un nombre réduit de participants a été toutefois constaté, comparativement aux éditions précédentes. Echec ? Non. Selon les organisateurs, c’était cela le but de la foire : faciliter la vente des livres. On pense que cela a fonctionné car les participants à la 20e édition de Livres en folie n’ont pas eu trop de difficultés à faire l’acquisition de leurs livres. Puisque, pour plusieurs participants, cela a constitué une aubaine. La foule de gens qui se bousculaient tous les ans devant les comptoirs comme Communication Plus a été moins importante. Faire l’acquisition d’un livre pouvait coûter à l’acheteur plus d’une heure de temps. Cette année, au comptoir de Communication Plus, le plus grand comptoir de la foire, un acheteur pouvait faire l’acquisition de ses titres en moins de quinze minutes.
Le principe du ticket modérateur n’a pas été le seul facteur de cette amélioration des conditions d’achat et de vente de livres. Cette année la foire s’est déroulée sur deux jours. Les 19 et 20 juin. Le premier jour pour les adultes et le second jour pour les élèves et les écoliers. Le prix du ticket d’entrée a été fixé, pour cette deuxième journée à 200 gourdes et donnait droit presqu’aux mêmes avantages que le ticket du premier jour. Et cela a prouvé encore une fois que le public de Livres en folie est jeune. Beaucoup plus de participants ont été enregistrés le second jour, nous confirme Frantz Duval. Les élèves ont fait la queue devant l’invitée d’honneur qui signait des livres-jeunesse et pour adolescents à côté de ses livres pour adultes.
Pour l’instant, nous disent Anaïse Chavenet et Frantz Duval, les statistiques sont provisoires, car Livres en folie continue jusqu’au 30 juin 2014, en ligne. Gérée par Communication Plus, la vente en ligne est dédiée aux gens qui ne peuvent pas faire le déplacement mais qui souhaiteraient bénéficier des mêmes avantages que ceux qui sont venus au Parc historique de la canne à sucre, nous explique Anaïse Chavenet. La vente en ligne cette année s’étale sur 15 jours et l’acheteur, une fois sa commande placée, pourrait passer retirer son livre au local de Communication Plus. Une option qui fonctionne très bien, selon Mme Chavenet. Car entre 2012 et 2013, les ventes en ligne ont doublé. Il est encore trop tôt pour établir des statistiques pour cette année. Il faudrait attendre la fin du mois de juin, poursuit-elle.
Pour fêter les 20 ans de Livres en folie
Si l’année 2014 a marqué la 20e édition de Livres en folie, ce sera en 2015 que cette foire fêtera ses 20 ans. Pour ses 20 ans, les organisateurs de Livres en folie planifient déjà. Selon Frantz Duval, la Quinzaine du livre qui s’est réalisée sur 20 jours cette année sera encore une vingtaine, pour faire écho aux 20 ans de la foire. Cependant, pour les deux journées de foire, il dit attendre les résultats de la deuxième journée de cette année pour que les organisateurs se décident ou pas à prolonger Livres en folie sur deux jours pour la 21e édition. Une autre option est envisageable, toujours selon le rédacteur en chef du quotidien Le Nouvelliste, dans le choix des invités d’honneur. Instauré depuis 2004, ce principe consiste à choisir un auteur (littéraire ou scientifique) qui, tout au long de sa carrière, a réalisé beaucoup d’exploits et qui a travaillé à produire une œuvre qui vaut la peine qu’on s’y attarde. Pour ses 20 ans, Livres en folie envisage de récompenser une personnalité à titre posthume. Mais, rien n’est encore décidé, nous met en garde M. Duval. Carl Braun, PDG de la UNIBANK, coorganisateur de la foire avec Le Nouvelliste, a mis l’accent sur les cent ans de l’occupation américaine (1915-1934) lors du cocktail des écrivains réalisé le mercredi 17 juin 2014.
Livres en folie cette année a été une réussite pour les organisateurs. Le bilan provisoire de Communication Plus a fait mention de quelques titres les plus vendus : Brendjenn Blues de Kettly Mars (Invitée d’honneur), Ma muse est un homme d’Ange Bellie Andou, Duvalier à l’ombre de la Guerre froide de Wien Weibert Arthus (Bourse Barbancourt 2013), Le pouvoir du sexe d’Edgar Gousse, sont les titres les plus cités.
En 19 ans, Livres en folie est devenu « une institution » affirme Emmelie Prophète, directrice de la Bibliothèque nationale d’Haïti et élément moteur de la Quinzaine du livre. Pour Monique Rocourt, Ministre de la culture, « Livres en folie est un bon baromètre de la production littéraire et scientifique en Haïti » [[3]]url:#_ftn3 . Pour d’autres, véritable rentrée littéraire en Haïti, Livres en folie permet de « booster » le marché du livre haïtien. Depuis près de vingt ans que les organisateurs s’y adonnent, la production littéraire n’a fait qu’augmenter. Mis à part les bourses pour accompagner les auteurs dans leurs projets de livres octroyées par Barbancourt, des Prix Livres en folie de la première œuvre, cette foire donne aux éditeurs le moyen d’écouler leur stock de livres aisément à une période où la littérature haïtienne est très présente sur la scène internationale. En témoigne l’ensemble des prix reçus par les auteurs haïtiens ces 20 dernières années : Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde (qui depuis 1991 a récompensé 10 auteurs haïtiens), Prix du livre insulaire (Gary Victor en 2003, Villard Denis dit Davertige et Anthologie de la poésie haïtienne : un siècle de poésie en 2004, Frankétienne en 2005, Mimi Barthélémy en 2008, Robert Berrouet Oriol en 2010, Anthony Phelps en 2012). Le prix Médicis, un des plus prestigieux prix en France, a été décerné à Dany Laferrière en 2009 pour son livre L’Énigme du retour, auteur qui sera élu à l’Académie française en décembre 2013. Marvin Victor a reçu le Grand Prix de la Société des gens de Lettres pour son roman Corps mêlés en 2011 et Louis-Philippe Dalmebert, le prix Thyde Monnier pour Ballade d’un amour inachevé. La liste est longue.
Y-a-t-il donc une relation entre la foire et la floraison de la littérature haïtienne ?
Si Livres en folie a donné aux auteurs haïtiens un espace d’échanges et de rencontre, cette foire ne peut être considérée comme le facteur exclusif de l’épanouissement de la littérature haïtienne. Déjà en 1912, le poète haïtien Etzer Vilaire reçut le prix Davaine de l’Académie française pour ses Nouveaux poèmes et Georges Sylvain a été lui-même distingué, avec Solon Menos et Dantès Bellegarde, pour une anthologie des poètes haïtiens à la même époque. Ce qui veut dire que la littérature haïtienne s’est épanouie et a connu une notoriété internationale dès le début du XXe siècle dont les auteurs les plus connus ont été : Anténor Firmin, Louis-Joseph Janvier, Etzer Vilaire, Georges Sylvain, Jean-Price Mars etc. Livres en folie, vrai baromètre de la production littéraire et scientifique en Haïti, oui. Mais, la littérature haïtienne a connu ses lettres de noblesse bien avant la naissance de cette foire.
Wébert Charles
[[1]]url:#_ftnref1 Max Chauvet, « Tant qu’il y aura des places blanches à remplir », discours prononcé lors du cocktail des auteurs le mercredi 17 juin 2014 à Pétion-ville.
Un peu tôt dans la matinée du 19 juin 2014, la 20e édition de Livres en folie est lancée. Pour les organisateurs, il s’agit d’un risque. Voire d’un double risque. Le prix du ticket modérateur, pratiquement doublé, risquera-t-il de décourager les inconditionnels de la foire ? Pour Frantz Duval, un des principaux organisateurs de la foire, il s’agissait de réduire le nombre de gens qui viennent à Livres en folie, car le Parc est devenu trop restreint pour accueillir cette activité. « C’est la première fois qu’on décourage les gens qui viennent acheter des livres ». Pour Anaïse Chavenet, distributrice et directrice de Communication Plus, très impliquée dans la réalisation de la foire, il ne s’agit pas de décourager les acheteurs. « C’est un principe qui consiste à déceler les vrais acheteurs, car beaucoup de gens venaient sur le Parc pour s’amuser, non pas pour acheter ». Mais en réalité « le principe du ticket modérateur fonctionne comme si Livres en folie payait les gens pour venir acheter des livres ». En effet, cette année, le ticket a donné droit à des rabais spéciaux (jusqu’à 150 gourdes de réduction sur un livre à ajouter sur les 40% de remise), à une boisson gazeuse, à une carte de recharge téléphonique…
Entre 10 h et 17 h, le Parc historique de la canne à sucre a quand même accueilli du monde, venu de partout de la capitale. 161 auteurs en signature occupaient le Parc avec 1865 titres disponibles : essayistes, romanciers, poètes ; jeunes écrivains et écrivains confirmés. Un nombre réduit de participants a été toutefois constaté, comparativement aux éditions précédentes. Echec ? Non. Selon les organisateurs, c’était cela le but de la foire : faciliter la vente des livres. On pense que cela a fonctionné car les participants à la 20e édition de Livres en folie n’ont pas eu trop de difficultés à faire l’acquisition de leurs livres. Puisque, pour plusieurs participants, cela a constitué une aubaine. La foule de gens qui se bousculaient tous les ans devant les comptoirs comme Communication Plus a été moins importante. Faire l’acquisition d’un livre pouvait coûter à l’acheteur plus d’une heure de temps. Cette année, au comptoir de Communication Plus, le plus grand comptoir de la foire, un acheteur pouvait faire l’acquisition de ses titres en moins de quinze minutes.
Le principe du ticket modérateur n’a pas été le seul facteur de cette amélioration des conditions d’achat et de vente de livres. Cette année la foire s’est déroulée sur deux jours. Les 19 et 20 juin. Le premier jour pour les adultes et le second jour pour les élèves et les écoliers. Le prix du ticket d’entrée a été fixé, pour cette deuxième journée à 200 gourdes et donnait droit presqu’aux mêmes avantages que le ticket du premier jour. Et cela a prouvé encore une fois que le public de Livres en folie est jeune. Beaucoup plus de participants ont été enregistrés le second jour, nous confirme Frantz Duval. Les élèves ont fait la queue devant l’invitée d’honneur qui signait des livres-jeunesse et pour adolescents à côté de ses livres pour adultes.
Pour l’instant, nous disent Anaïse Chavenet et Frantz Duval, les statistiques sont provisoires, car Livres en folie continue jusqu’au 30 juin 2014, en ligne. Gérée par Communication Plus, la vente en ligne est dédiée aux gens qui ne peuvent pas faire le déplacement mais qui souhaiteraient bénéficier des mêmes avantages que ceux qui sont venus au Parc historique de la canne à sucre, nous explique Anaïse Chavenet. La vente en ligne cette année s’étale sur 15 jours et l’acheteur, une fois sa commande placée, pourrait passer retirer son livre au local de Communication Plus. Une option qui fonctionne très bien, selon Mme Chavenet. Car entre 2012 et 2013, les ventes en ligne ont doublé. Il est encore trop tôt pour établir des statistiques pour cette année. Il faudrait attendre la fin du mois de juin, poursuit-elle.
Pour fêter les 20 ans de Livres en folie
Si l’année 2014 a marqué la 20e édition de Livres en folie, ce sera en 2015 que cette foire fêtera ses 20 ans. Pour ses 20 ans, les organisateurs de Livres en folie planifient déjà. Selon Frantz Duval, la Quinzaine du livre qui s’est réalisée sur 20 jours cette année sera encore une vingtaine, pour faire écho aux 20 ans de la foire. Cependant, pour les deux journées de foire, il dit attendre les résultats de la deuxième journée de cette année pour que les organisateurs se décident ou pas à prolonger Livres en folie sur deux jours pour la 21e édition. Une autre option est envisageable, toujours selon le rédacteur en chef du quotidien Le Nouvelliste, dans le choix des invités d’honneur. Instauré depuis 2004, ce principe consiste à choisir un auteur (littéraire ou scientifique) qui, tout au long de sa carrière, a réalisé beaucoup d’exploits et qui a travaillé à produire une œuvre qui vaut la peine qu’on s’y attarde. Pour ses 20 ans, Livres en folie envisage de récompenser une personnalité à titre posthume. Mais, rien n’est encore décidé, nous met en garde M. Duval. Carl Braun, PDG de la UNIBANK, coorganisateur de la foire avec Le Nouvelliste, a mis l’accent sur les cent ans de l’occupation américaine (1915-1934) lors du cocktail des écrivains réalisé le mercredi 17 juin 2014.
Livres en folie cette année a été une réussite pour les organisateurs. Le bilan provisoire de Communication Plus a fait mention de quelques titres les plus vendus : Brendjenn Blues de Kettly Mars (Invitée d’honneur), Ma muse est un homme d’Ange Bellie Andou, Duvalier à l’ombre de la Guerre froide de Wien Weibert Arthus (Bourse Barbancourt 2013), Le pouvoir du sexe d’Edgar Gousse, sont les titres les plus cités.
En 19 ans, Livres en folie est devenu « une institution » affirme Emmelie Prophète, directrice de la Bibliothèque nationale d’Haïti et élément moteur de la Quinzaine du livre. Pour Monique Rocourt, Ministre de la culture, « Livres en folie est un bon baromètre de la production littéraire et scientifique en Haïti » [[3]]url:#_ftn3 . Pour d’autres, véritable rentrée littéraire en Haïti, Livres en folie permet de « booster » le marché du livre haïtien. Depuis près de vingt ans que les organisateurs s’y adonnent, la production littéraire n’a fait qu’augmenter. Mis à part les bourses pour accompagner les auteurs dans leurs projets de livres octroyées par Barbancourt, des Prix Livres en folie de la première œuvre, cette foire donne aux éditeurs le moyen d’écouler leur stock de livres aisément à une période où la littérature haïtienne est très présente sur la scène internationale. En témoigne l’ensemble des prix reçus par les auteurs haïtiens ces 20 dernières années : Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde (qui depuis 1991 a récompensé 10 auteurs haïtiens), Prix du livre insulaire (Gary Victor en 2003, Villard Denis dit Davertige et Anthologie de la poésie haïtienne : un siècle de poésie en 2004, Frankétienne en 2005, Mimi Barthélémy en 2008, Robert Berrouet Oriol en 2010, Anthony Phelps en 2012). Le prix Médicis, un des plus prestigieux prix en France, a été décerné à Dany Laferrière en 2009 pour son livre L’Énigme du retour, auteur qui sera élu à l’Académie française en décembre 2013. Marvin Victor a reçu le Grand Prix de la Société des gens de Lettres pour son roman Corps mêlés en 2011 et Louis-Philippe Dalmebert, le prix Thyde Monnier pour Ballade d’un amour inachevé. La liste est longue.
Y-a-t-il donc une relation entre la foire et la floraison de la littérature haïtienne ?
Si Livres en folie a donné aux auteurs haïtiens un espace d’échanges et de rencontre, cette foire ne peut être considérée comme le facteur exclusif de l’épanouissement de la littérature haïtienne. Déjà en 1912, le poète haïtien Etzer Vilaire reçut le prix Davaine de l’Académie française pour ses Nouveaux poèmes et Georges Sylvain a été lui-même distingué, avec Solon Menos et Dantès Bellegarde, pour une anthologie des poètes haïtiens à la même époque. Ce qui veut dire que la littérature haïtienne s’est épanouie et a connu une notoriété internationale dès le début du XXe siècle dont les auteurs les plus connus ont été : Anténor Firmin, Louis-Joseph Janvier, Etzer Vilaire, Georges Sylvain, Jean-Price Mars etc. Livres en folie, vrai baromètre de la production littéraire et scientifique en Haïti, oui. Mais, la littérature haïtienne a connu ses lettres de noblesse bien avant la naissance de cette foire.
Wébert Charles
[[1]]url:#_ftnref1 Max Chauvet, « Tant qu’il y aura des places blanches à remplir », discours prononcé lors du cocktail des auteurs le mercredi 17 juin 2014 à Pétion-ville.
[[2]]url:#_ftnref2 Jacques Adler Jean Pierre sera déchu de ce titre après que le jury ait aperçu qu’il avait déjà publié en 2010 un recueil de poèmes aux Édition Bas de page sous le titre « Des mots pour mourir après l’amour ».
[[3]]url:#_ftnref3 Discours prononcé à la conférence de presse de lancement officiel de la 20e édition de Livres en folie le lundi 16 juin 2014 à l’Hôtel Royal Oasis.