Le titre ''Atelier'' du recueil de poèmes publié par James Pubien en août 2010 aux Editions Bas de Page, ne ressemble pas à ceux généralement rencontrés dans la poésie traditionnelle et même sous la plume de certains modernes : ''Confidences et Mélancolies'', ''Les Fleurs du Mal'', ''Rires et Pleurs'', ''Les Contemplations'', ''Miscellanées'', ''Vers les Cimes'', etc. L'impression qui se dégage d'un simple coup d'oeil sur ce titre donne lieu de croire que ce recueil vient heurter le goût du jour en matière de poésie.
Haïti: Se rangeant dans la lignée de la poésie dite moderne, ''Atelier'' matérialise un ensemble de données théoriques véhiculées par les tenants de cette tendance et constitue un véritable projet d'écriture. Ce recueil de 23 textes étalés sur 49 pages permet en effet de revisiter les théories de la modernité et valorise certains principes « éternels » dont aucune poésie « sérieuse » ne peut se passer.
« A toute époque, ce que l'on qualifie de moderne en littérature apparaît aux lecteurs comme nouveau, voire en avance sur son temps. La poésie moderne d'aujourd'hui s'oppose en ce sens à la poésie traditionnelle, celle qui se pratiquait jusque-là. Elle peut être caractérisée par des ruptures dans la pratique du genre poétique...On assiste donc à une véritable libération de la syntaxe, d'une certaine continuité textuelle du lexique et de la typographie (Beaucoup de poètes abandonnent la ponctuation. L'usage des majuscules en début de vers est très variable selon les textes...). La poésie moderne renonce généralement aux formes fixes, pour proposer des poèmes dont les formes sont innombrables, puisque liées à la vision particulière de chacun d'eux.
Nombre de poètes contemporains refusent le récit, l'anecdote, car leur projet est de dire « l'indicible », c'est-à-dire d'essayer de reconstruire une fonction du langage que l'on aurait perdue ou qui serait à inventer, et qui permettrait de retrouver un accord profond avec la nature et les hommes », écrivent les auteurs de la compilation intitulée « Textes, Genres et Registres. De l'Antiquité au XXe siècle » publiée à Delagrave Edition, Paris 2000.
Abordé à la lumière de ces théories, ''Atelier '' se veut plutôt l'apparition d'une nouvelle forme d'écriture, une esthétique en chantier, en devenir, un projet prometteur et viable. Divisé en 3 parties : '' Hommage'', '' Amours'' et '' Création'', ce recueil de poésie au titre si étrange ne manque pas pourtant de fraîcheur poétique.
La première partie qui contient 8 poèmes est un hommage rendu à d'éminentes personnalités nationales et internationales : Michael Jackson, Aimé Césaire, Magloire Saint Aude, Carl Brouard, Jacques Roche, Farah Natacha Dessources, François Latour...Poète moderne, James Pubien soigne pourtant sa syntaxe et se révèle maître de ses mots, ses images, ses couleurs, ses sonorités et même son rythme. Des métaphores comme : « le coussin duveteux des nuages », « la souffrance a un nom de muscle disloqué », « l'odeur du plomb dans la poussière d'os » ; des hyperboles comme : « l'arc-en-ciel à boire », « une pluie de retard », « un rien d'extase » ; l'oxymore suivant : « le temps du vin blanc des nuits d'encre du midi » ; des tournures comme : « la mort se vend à crédit », « la vie est un verbe qui se conjugue au passé simple », « le sang ne se lave point », « les criminels se lavent les mains », témoignent du sens de l'image que possède l'auteur. ''Rire Jaune '', ''Cahier d'Aimé'', sont assez riches en humour sans oublier ''Déception'' dédié à Farah Natacha Dessources, Jacques Roche et François Latour, trois figures emblématiques des victimes sacrifiées au temps moderne où la criminalité avait atteint son apogée en Haïti. James Pubien a su trouver un moyen de « dire l'indicible » tout comme la littérature devait en trouver un pour traduire le génocide du Rwanda
La deuxième partie qui contient 4 textes, aborde l'Amour, cette Divinité toute puissante à laquelle il semble bien que tout jeune poète doive sacrifier s'il veut intéresser toute une classe de lecteurs.
La référence au jargon des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le poème ''Johanne'' représente une métaphore assez originale. Il faut aussi dégager de l'ensemble de l'oeuvre tout un champ lexical du journalisme : « scoop », « potin », « No comment, etc. ''Cahier d'absence'' rend également compte d'un jeu intéressant à côté de l'étrangeté de ''Eloge'' qui n'a pour tout contenu que « Mardi 16 Mars ».
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